Pour Nick Helliwell, prêcher l'évangile auprès des autochtones et des Premières Nations est une lourde responsabilité, car autrefois, il était comme eux : issu d’une famille démunie et dysfonctionnelle, dont la vie a été mise à l’épreuve par la pauvreté, l'abandon d’un père, la toxicomanie et les abus sexuels. Nick reste persuadé que la clé de cette connexion divine est d’aider ces communautés à comprendre ce qu’est le rôle d’un père.
« Jésus-Christ nous demande de réciter le « Notre Père », mais si nous n’avons aucun lien émotionnel avec la paternité, tout n’est que brouillard et nous avançons dans l’obscurité », déclare Helliwell. Quand cette notion est comprise, le chemin vers la guérison peut enfin commencer. « Je crois sincèrement que cet enseignement portera ses fruits, non pas dans l’immédiat, mais sur le long terme. Je pense vraiment que nous pouvons transformer toute une génération d’hommes. »
Helliwell a été personnellement marqué par la tristement célèbre « rafle des années 60 », cette politique gouvernementale des années 50 à 80, au cours de laquelle des milliers d'enfants autochtones ont été enlevés pour être confiés en adoption à des familles blanches de classe moyenne. Helliwell a été enlevé à sa mère avant l’âge de 1 an, séjournant dans 15 foyers d’accueil différents avant même son entrée à l’école. C’est son enseignant de première année qui finit par l'adopter, union qui n’a elle-même pas fonctionné. Il a donc réintégré le système d'accueil familial à l'âge de 13 ans. Lorsqu’il eut atteint l’âge adulte, Helliwell avait connu 26 foyers d'accueil différents.
Lorsqu’il rencontre enfin les membres de sa famille biologique, Helliwell découvre que certains d’entre eux sont fortement impliqués dans la drogue et les gangs. C'est à ce moment-là, en janvier 1994, que Helliwell et son épouse Vivian, également maltraitée durant son enfance, prennent la décision de consacrer leurs vies à Jésus.
Alors qu’ils ont la sensation que leur église n’en fait pas assez pour les aider à surmonter leurs nombreux problèmes, ils décident de créer Healing Hearts Ministries, en septembre de la même année.
« Les grands principes, dit-il, restent les mêmes : aller à la rencontre des gens là où ils se trouvent, comprendre que la plupart de nos comportements découlent de souffrances passées et que nombre d'entre eux sont générationnels. Ainsi, c’est en prenant conscience de l’importance de ce contexte et en appliquant les préceptes de réconciliation édictés par Jésus-Christ que la guérison peut enfin se manifester dans votre vie. »
Pour Helliwell personnellement, un moment crucial de son chemin de guérison s’est produit en 2006, lorsqu’il a assisté à une formation intensive d’Hommes de Parole appelée Discipleship Training Unleashed, dirigée par l’ancien directeur de la formation spirituelle, le docteur Steve Masterson. L’accent était mis sur ce que signifie être un Homme de Dieu.
« Il m’a demandé d’écrire la définition du mot « père ». Que signifiait ce mot pour moi ? Je l’ignorais. Je n'avais aucune notion, aucune expérience personnelle sur laquelle me baser et qui pouvait m’inspirer ce qu’était un père », se souvient Helliwell. « Lorsque Steve Masterson a prié pour moi et qu’il m’a dit : “j’assume la responsabilité spirituelle des hommes de ta vie qui t’ont fait défaut”, cela a été un moment charnière de ma guérison. » Peu après, l’élève est devenu le maître. « Nick a été l'un des premiers à suivre cette formation », déclare Ian Nairn, responsable des relations communautaires. « Au fil des années, il nous a même aidés à recruter de nouveaux participants. »
« Lorsqu’il guide les Premières Nations et les autochtones vers le véritable dessein que Dieu a entrepris pour les hommes, ces maris, ces pères, ces frères et ceux engagés à se battre pour leur communauté, c’est une véritable passion qui anime le cœur et l’esprit de Nick. Beaucoup le considèrent comme un véritable père spirituel. »
Helliwell est aujourd’hui le pasteur des hommes de Healing Hearts, aumônier du centre correctionnel provincial de Regina et du district de santé de Qu’Appelle. Il se met également au service d’une maison de transition qui aide les hommes récemment libérés de prison à se réinsérer dans la société.
« Je vais à la rencontre des pères qui ont été condamnés à de la prison », dit-il. « En ce moment, j'enseigne les fondements spirituels de la paternité avec mon quatorzième groupe de discussion. Plus de 250 hommes ont suivi ce cours qui est toujours très demandé. Certains l'ont même suivi plusieurs fois afin de pouvoir véritablement appliquer ces principes dans leur vie personnelle. »
Le défi est de taille. En juin dernier, un rapport de Statistique Canada mentionnait que sur l’année 2016-2017, la population adulte autochtone représentait 76% du milieu carcéral de la Saskatchewan, contre 14% seulement de la population générale. Pire encore, la proportion de jeunes Autochtones envoyés dans des prisons canadiennes cette année-là était 25% plus élevée qu’il y a dix ans.
Pourtant, Helliwell reste convaincu que malgré tous les torts qui leur ont été faits, les peuples des Premières Nations font preuve d’une inébranlable foi en Dieu. « Les pensionnats ou la rafle des années 60 ont privé les habitants des centres-villes de cette relation essentielle avec le divin. L’Église a l’occasion incroyable d’aider les hommes des Premières Nations à renouer de manière authentique avec Jésus-Christ. Il suffit de se dire : « Jésus-Christ est le Créateur, et tout le reste suivra. »
« Cette vision me plait beaucoup », déclare Nairn. « Mais leurs chefs des communautés autochtones nous disent continuellement : nous ne voulons pas que vous fassiez les choses à notre place. Nous voulons établir des relations solides. C’est exactement ce genre d’opportunités et de caractère que j'attends pour avancer avec eux. Nick a adopté cette vision et il la fait vivre au sein de sa propre famille et de ses cercles d’influence. »
La vie peut-être dure. En juillet 2017, la fille aînée de Helliwell est décédée des suites d’une défaillance d’organe, leur laissant sept petits-enfants et un enfant d’accueil à élever. Leur autre fille s’est installée chez eux avec son fils pour les aider. Le deuil a été si douloureux que trois mois après les faits, Nick a subi une crise cardiaque.
À ce jour, 14 personnes cohabitent sous le toit de la famille Helliwell, dont leur premier arrière-petit-fils, né en février. Ajoutez à cela, quand un ami de longue date est décédé récemment, il a laissé deux fils qui « vivent pratiquement ici aussi », déclare Helliwell.
Mais pour Helliwell, ce défi est également une occasion de s’intégrer à la prochaine génération.
« C’est impossible de transmettre ce que l’on n’a pas, on laisse ce qu’on possède. La colère, la souffrance, les habitudes de vie malsaines, toutes ces énergies négatives, on ne peut pas les dissimuler à ses enfants sans leur transmettre. Nous devons accepter le passé, reconnaître les péchés du passé, trouver en nous la force de la réconciliation et du pardon. Ce que nous devons transmettre, c’est le fruit de l'Esprit, c’est à dire l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur et la maîtrise de soi. »
« Le fruit de l’Esprit ne nous a pas été transmis par nos parents et ce n’est pas une notion que nous avons pu intégrer lorsque nous étions enfants. Il nous est donc impossible de le transmettre », ajoute-t-il. « C'est précisément cette relation que j'essaie d'enseigner. »
Pour en savoir plus sur Healing Hearts Ministries, rendez-vous sur healinghearts.ca
Frank Stirk vit à North Vancouver. Il est l’auteur de Streams in the Negev: Stories of How God is Starting to Redeem Vancouver (Urban Loft)